Au fur et à mesure…

La mesure, vous savez, celle qui vous empêche de venir à bout des 100 gr d’une tablette de chocolat, de reprendre un petit dernier pour la route, de quitter enfin FaceBook après avoir appris que Joséphine avait mis du sésame dans son yaourt, de cesser, finalement, la relecture des blogs complets de Pierre d’o, de…hein ? Quoi ?…Ah oui…. ouais, là on est encore loin de l’addiction, c’est vrai…
Je reprends : la mesure, donc, ce mot magique qui donne à toute chose sa patine d’intelligence, jusque dans la manière de diviser les sections d’une partition de musique, jusque dans l’art de mettre la bonne proportion de thym par rapport à son romarin… Et bien la mesure est un mot qui se meurt doucement, abandonné par les jeunes qui se biturent tous les week- ends, par l’humanité qui se détruit lentement… Le fait qui m’inspire ces mots s’est déroulé à Berne, où un jeune handicapé mental a réussi à pénétrer dans l’enclos du brave ours Finn…
Premier indice: le jeune handicapé n’a-t-il pas manqué de mesure en essayant de tailler une petite bavette avec Finn et Björk ? Le policier n’a-t-il pas manqué de mesure en envoyant sans hésiter Finn au tapis comme un malotru ? Finn lui-même n’a-t-il pas manqué de mesure en se disant qu’il pourrait bien s’en faire une tranche, de ce bipède providentiel…mais là, je déraisonne: ce qui fait de notre espèce qu’elle est supérieure est justement la raison, le discernement, la mesure donc, qui manque si cruellement à nos frères inférieurs et c’est très bien comme ça.
Deuxième indice, et de loin le plus pathétique, que cette compassion infinie, cette incommensurable mansuétude qui poussent les gens (vous et moi, donc, les hommes, quoi…enfin, la race humaine..) à s’identifier, à s’émouvoir, à se répandre, à se jeter dans la gueule du psy… Hier, des mamans, des papas peut-être, accompagnés du petit dernier et du cocker de la voisine, sont allés poser du miel et des messages de réconfort près de l’enclos du pauvre Finn… De la race de ceux qui ont déposé des gerbes de fleurs devant le tunnel de l’Alma, en septembre 1997, de la race de ceux qui disaient qu’on était tous américains, le 12 septembre 2001, de la race de ceux qui cherchent vainement un sujet d’émoi, bien rassembleur, bien collectif…
Notre race a perdu la mesure, et dans la foulée, le goût du beau, du simple, du sobre, du profond, du sincère et surtout du gratuit…et je mesure mes mots !

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